Thomas Hart Benton, City Building |
Les questionnements autour du travail et du hors-travail sont fondamentaux. Ils touchent à la définition des temps
sociaux, à la répartition des pouvoirs de décision, au partage des richesses, à notre capacité à répondre aux enjeux sociaux et environnementaux.
Cet article est un résumé des positions de Pierre Zarka, Bernard Friot et Benoît Borrits exprimées lors d'une table ronde parue dans l'excellent journal Cerises de décembre 2018.
Pierre Zarka (Communistes Unitaires, Omos)
Il y a travail dès lors qu’une activité rend service à la collectivité (production de biens, de services, de capacités de mise en relation …). Dans l’économie d’aujourd’hui, la personne qui travaille doit mobiliser toute son expérience sociale et culturelle, c’est l’unité de l’activité humaine.
C’est pourquoi on observe dans le monde du travail des
changements importants dans la manière dont sont évalués les salariés. Des anciennes
qualifications professionnelles (diplômes), on glisse progressivement vers des
notions plus larges, scrutant l’ensemble de la personnalité des
travailleurs : les compétences et l’employabilité. Ceci permet de mobiliser l’autonomie
du travailleur, son imagination, ses capacités d’initiative et de résolution de
problèmes, ses aptitudes relationnelles et de communication, etc.
Cependant, la rémunération des travailleurs ne suit pas ce
mouvement. Les employeurs continuent de ne vouloir payer que les heures de
travail contraint et refusent de considérer qu’ils utilisent bien plus que la
force de travail de leurs salariés sur une durée limitée.
Le hors-travail
est mal nommé. Ce n’est pas simplement un temps de loisirs ou de repos car
toutes les pratiques individuelles participent à ce que nous sommes et sont
donc mobilisées dans le travail.
Tous les temps de l’activité humaine peuvent être
productifs. Ceci conduit à penser le dépassement du salariat, c’est-à-dire à
rémunérer du temps hors-travail et à
penser la maîtrise du travail par ceux qui l’effectuent. Notons que c’est déjà
le cas pour les congés payés, les congés maternité et la retraite par exemple
si on ne les considère pas du point de vue des politiques sociales mais de l’organisation
de la production.
Bernard Friot (Parti Communiste Français, réseau salariat)
Le travail est défini par l’ensemble des activités pour lesquelles nous sommes prêts à rémunérer le producteur en achetant sa production. Le travail est donc ce qui est socialement accepté comme étant du travail.
Exemple : Un paysagiste tond une pelouse. Il est rémunéré pour le faire, c’est un travail. Un particulier tond la pelouse de son jardin. Ce n’est pas du travail, il n’est pas rémunéré pour le faire… pourtant les deux personnes ont fait la même activité. C’est bien la société qui détermine ce qui relève ou non du travail.
Le travail produit de la valeur
d’échange. La valeur d’échange est englobée dans une notion plus large, la richesse. La richesse est l’ensemble des
productions, y compris celles non reconnues comme du travail. Par exemple la
tonde de la pelouse par un particulier mais aussi le bénévolat, les services
rendus, etc.
Le travail dans notre société majoritairement capitaliste se
définit selon 3 aspects :
- Il ne désigne que les activités donnant lieu à un profit,
- Ce profit est aveugle aux intérêts humains et écologiques,
- Ce profit tend à ôter aux travailleurs la maitrise de leur travail.
- Il ne désigne que les activités donnant lieu à un profit,
- Ce profit est aveugle aux intérêts humains et écologiques,
- Ce profit tend à ôter aux travailleurs la maitrise de leur travail.
Le hors-travail
est défini par défaut, son périmètre est en creux ce qui n’est pas retenu comme
socialement valide pour être du travail. Il est cependant largement déterminé
par les exigences du travail :
- Il est utilisé pour assurer des services permettant le travail. C’est le cas de la garde d’enfants par les retraités ou de l’organisation de solidarités sans lesquelles beaucoup de personnes ne pourraient plus travailler. Il permet aussi de se reposer et d’être efficace au travail.
- Le hors-travail est grandement influencé par le travail. Le chômage est un temps hors-travail contraint par le marché du travail ; il faut avoir travaillé pour avoir le droit au temps hors-travail de la retraite ; les pratiques de loisirs et de consommation sont également fortement liées au travail, ne serait-ce que par le pouvoir d’achat qu’il attribut et l’univers mental dans lequel il plonge les individus (rapports sociaux, société de consommation, publicités…).
- Il est utilisé pour assurer des services permettant le travail. C’est le cas de la garde d’enfants par les retraités ou de l’organisation de solidarités sans lesquelles beaucoup de personnes ne pourraient plus travailler. Il permet aussi de se reposer et d’être efficace au travail.
- Le hors-travail est grandement influencé par le travail. Le chômage est un temps hors-travail contraint par le marché du travail ; il faut avoir travaillé pour avoir le droit au temps hors-travail de la retraite ; les pratiques de loisirs et de consommation sont également fortement liées au travail, ne serait-ce que par le pouvoir d’achat qu’il attribut et l’univers mental dans lequel il plonge les individus (rapports sociaux, société de consommation, publicités…).
La redéfinition du travail est un enjeu majeur de la lutte
des classes. Transformer le travail de manière communiste c’est avant tout le
redéfinir pour qu’il s’attache à la performance sociale et environnementale
davantage qu’au profit. Ainsi, de nombreuses activités seraient considérées
comme inutiles ou néfastes et sortiraient de la définition du travail
(marketing, spéculation, activités inutilement polluantes, etc.) quand d’autres
activités feraient le chemin inverse (bénévolat, activités culturelles, services
rendus par exemple).
Ajout : Pour reconnaître cette nouvelle définition du travail, Bernard Friot propose le salaire à vie. C’est-à-dire une somme d’argent versée à la personne tout au long de la vie (et non plus selon la tâche) en reconnaissance du travail fourni, quel qu’il soit.
Benoît Borrits (Association Autogestion)
Globalement en accord avec les définitions de Bernard Friot tout en y intégrant certaines nuances :
- Les travailleurs ne sont jamais totalement dépossédés de leur travail, il existe toujours des marges de manœuvre pour se l’approprier (pratiques de terrain, action syndicale…),
- Le capital ne peut pas prescrire toutes les activités directement. Des pans entiers de l’activité lui échappent comme la sécurité sociale, la fonction publique, l’associatif et, dans une certaine mesure, l’économie sociale et solidaire,
- Des résistances à cette définition du travail se retrouvent partout,
- Il existe des freins institutionnels importants comme le code du travail, les CHSCT.
Le hors-travail
est tout ce qui n’est pas prescrit par un employeur. Il est à la fois utile et
inutile à la société. Le droit à l’oisiveté est fondamental car il permet
d’être, à d’autres moments, productifs au travail. Il faut garantir des droits en
contrepartie de notre travail : se nourrir, se loger, se déplacer, se
chauffer, se cultiver, avoir des loisirs…
Lorsqu’il s’agit de rémunération, le capital vise à dissocier
strictement les sphères du travail et du hors-travail
afin de ne pas avoir à assumer d’externalités (conséquences de l’activité) :
santé, chômage, retraite, écologie, etc.
tableau récapitulatif
Travail
|
Hors-travail
|
proposition
|
|
Pierre
Zarka
|
Tout service rendu à la collectivité.
|
Pas de distinction claire entre le travail et le hors-travail. Toutes les pratiques sociales du hors-travail sont mobilisées dans le
travail.
|
Il faut dépasser le salariat pour reconnaître l’unité de l’activité
humaine.
|
Bernard
Friot
|
Le travail est socialement déterminé. En régime capitaliste, c’est
l’ensemble des activités donnant lieux à un profit.
|
Le hors-travail est
largement déterminé par le travail. C’est un temps non reconnu et non
rémunéré qui est pourtant abondamment utilisé pour satisfaire aux exigences
du travail.
|
Il faut redéfinir le travail à partir de critères sociaux et
environnementaux, ce qui nécessitera un salaire à vie.
|
Benoît
Borrits
|
Le travail est l’objet d’une lutte permanente pour sa définition
entre les intérêts opposés du patronat et des salariés.
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Le hors-travail est tout ce
qui n’est pas prescrit par un employeur. Il est productif, ou non.
|
Il est important de garantir des droits fondamentaux en échange de
tous les temps productifs.
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