mardi 20 novembre 2018

Débuts en créa-maths

Publié initialement en juin 2018


Depuis deux mois, je me suis lancé en « créa-maths » malgré un certain scepticisme initial et une bonne dose d’appréhension. 

Pour ce faire, je me suis appuyé sur le DVD La création mathématique collective et le livre Entrée en Maths, faire évoluer sa pratique, tous deux disponibles aux éditions de l’ICEM. Voici un bref compte-rendu de ces premières semaines.

·         Déroulé des séances

Je fais « créa-maths » deux fois par semaine avec une demie-classe à chaque fois (donc chaque élève a une séance par semaine). L’autre demie-classe est en situation de recherche mathématique avec la maîtresse surnuméraire. La séance dure 45 minutes.
Assez rapidement, les séances se sont ritualisées autour de 3 phases qui alternent entre temps individuels et temps collectifs.

1 – Phase de création (10 minutes)

Consigne : « trouvez une bonne idée mathématique. Vous pouvez utiliser des nombres, des signes mathématiques, des points, des lignes ». Pour les enfants qui ont du mal à comprendre la consigne, j’explique que c’est comme un texte libre… mais en mathématiques : « en texte libre on fait ce que l’on veut en écrivant ; en création mathématiques, on fait ce que l’on veut avec des mathématiques ».

Remarque : Le terme « bonne idée mathématique » est assez évocateur, il permet d’aiguiller les élèves tout en restant très ouvert.

Ensuite, je laisse 10 minutes aux enfants pour réaliser leur création. Je peux interagir individuellement avec eux pour qu’ils m’expliquent ce qu’ils sont en train de faire mais la plupart du temps, je les laisse faire seuls et je me contente d’observer et d’imaginer des exploitations possibles.

2 – phase d’échange collectif (20-30 minutes)

Nous nous réunissons autour du tableau. Je choisis une création et la recopie sur une grande feuille que j’affiche. Je demande aux élèves de bien l’observer et d’essayer de comprendre ce que l’auteur a fait. Dans un premier temps, l’auteur n’aura pas la parole.
Tous les élèves qui le souhaitent prennent la parole (sauf l’auteur) pour dire ce qu’ils ont compris, remarqué, ce qui les a interpellés. J’écris les remarques pertinentes sur la grande feuille. Souvent, les élèves sont amenés à compléter ou enrichir la création de manière à bien expliciter les notions en jeu.
Ensuite, l’auteur prend la parole pour expliquer sa création et dire si elle a bien été comprise par le groupe. De nouveau échanges peuvent avoir lieu éventuellement.

Remarque : Le plus souvent, une seule création est abordée. Parfois deux mais jamais plus.

3 – temps de recherche individuel (10 à 20 minutes)

Initialement, je n’avais pas prévu cette phase. Elle s’est imposée car je me suis rendu compte que le temps d’échange collectif 1/ n’était pas profitable à tous les enfants (certains ayant du mal à se concentrer ou à comprendre des explications abstraites) et 2/ n’était pas suffisant pour s’approprier la ou les notions abordées.

J’ai donc pris l’habitude de proposer dans un troisième temps une situation (ou un exercice) en lien avec la création étudiée lors de la phase collective. Les élèves tentent de résoudre la situation seuls ou avec l’aide d’un-e camarade. La plupart du temps, je me contente de faire refaire la même chose que l’auteur de la création, mais en demandant aux enfants de changer les données.

Exemple : pour la création « vers la multiplication », Sami avait dessiné 3 sacs de 5. Je demande donc de faire « comme Sami » mais en faisant varier le nombre de sac et/ou la quantité présente dans les sacs.



·         La trace écrite

Chaque séance donne lieu à une trace écrite sous forme d’une affiche élaborée lors du temps d’échange collectif. Un code d’écriture de ces affiches s’est plus ou moins installé :
-          En bleu : la copie de la création telle que l’auteur l’a réalisée,
-          En vert ou en orange : les informations complémentaires ajoutées par les élèves lors des échanges,
-          En rouge : les remarques pertinentes écrites par le maître.



·         Bilan personnel

Avantages de la démarche :
-         
 C’est un temps très vivant d’exploration du domaine mathématiques.
-          Les élèves ont une grande motivation à travailler sur la production d’un-e camarade.
-          Je note une grande richesse des échanges, les notions sont vues ou revues en profondeur, elles sont mieux appropriées.
-          La trace écrite laissée (l’affiche du tableau) est très « parlante » pour les enfants. Il suffit de la ressortir pour réactiver une notion.
-          Aucune séance n’a fait flop ! A chaque fois, un objet de discussion intéressant émerge pour peu qu’on sache rebondir sur les remarques des enfants.

Inconvénients / problèmes / interrogations :
-          
Le plus gros problème pour moi est le demi-groupe. A chaque fois, la moitié du groupe ne participe pas au travail, ce qui est dommageable. En même temps, ce type de travail n’est pas envisageable à 24. Au début, j’ai tenté de faire des restitutions entre les deux groupes mais sans succès (on retombe dans une forme de transmission peu efficace). Comment faire ?
-          La première phase de création reste problématique. Dans ma classe de CP, beaucoup d’enfants ne comprennent pas le principe de la création mathématique. Ils font des productions non mathématiques (dessins pour la plupart) ou reproduisent ce qui a été fait les fois précédentes.
-          Je choisis moi-même la ou les créations étudiées collectivement parmi celles qui me semblent pertinentes. Parfois, je ne choisis qu’une partie d’une création pour avoir un objet d’étude cohérent. Est-ce gênant ?
-         Beaucoup de créations ne sont pas abordées, j’en ai déjà un paquet de 150 en deux mois ! Est-ce gênant ? Qu’en faire ?

·         Conclusion

Je ne regrette pas de m’être lancé dans les créa-maths. J’ai dissipé une bonne partie de mes réticences. Comme dans les autres domaines, travailler à partir de l’expression des élèves se révèle très riche et passionnant. Je souhaite poursuivre ce travail et voir ce sur quoi il peut déboucher sur du long terme.

Je constate cependant que les enfants ne se sont pas beaucoup appuyés sur leur vécu pour réaliser leurs créa-maths. C’est certainement parce qu’ils ont du mal à identifier ce qui entre dans le champ mathématique ou non. Peut-être qu’il serait pertinent de prévoir des temps plus guidés, où l’enseignant se charge de puiser dans la vie de la classe (quoi de neuf ? ou autre) une situation de recherche intéressante et la propose aux enfants.

Deux contre-exemples cependant :
-          Mayssa consacre sa création mathématique a chercher combien de jours d’école il reste avant les grandes vacances.
-         Marius écrit « 2  4  6  8  10» à « c’est comme ça que les animateurs du centre de loisirs nous compte dans le rang ».