Une
fois n'est pas coutume, parlons de libertés numériques. Vous n'êtes
pas sans savoir que les géants du net réunis sous l’appellation GAFAM (pour Google, Apple, Facebook,
Amazon et Microsoft) sont très peu soucieux de notre vie privée et
génèrent des milliards de chiffre d'affaire en collectant et
revendant nos données à de puissantes entreprises d'analyses.
1. Pourquoi doit-on se passer des GAFAM?
C'est
que notre activité sur les réseaux est une véritable mine d'or ;
nous laissons un nombre incroyable de traces qui sont sans cesse
analysées par les GAFAM. Il y a bien sûr tous les posts sur les
réseaux sociaux (Facebook, Instagram...etc.) mais cela va bien
au-delà. Les GAFAM savent tout de notre activité : ils suivent à
la trace les sites et applis que nous consultons (installez le module
privacy badger sur votre navigateur et vous verrez), ils
lisent nos e-mails et scannent les pièces jointes, ils analysent les
photos que nous prenons, ils connaissent les messages tapés sur nos
claviers (y compris non publiés), ils étudient le comportement de
notre souris pour nous profiler... etc. Les enceintes connectées et
autres commandes vocales sont un nouveau cheval de Troie dans notre
vie privée. Leurs enregistrements sont le support d'analyses de plus
en plus fines.
Bon nombre d'entre nous ne s'en soucient guère mais ces pratiques commencent à avoir des conséquences concrètes sur nos vies. Par exemple, nous recevons des publicités de plus en plus personnalisées, ce qui indique que les GAFAM en savent très long sur nos activités, nos centres d'intérêts, nos comportements d'acheteurs et sont capables de les influencer. Ceci explique que deux internautes achetant le même produit ne se verront pas forcément proposer le même tarif selon leur solvabilité et leur personnalité présumées. Google est capable, en combinant la photo que vous venez de prendre et votre géolocalisation, de savoir que vous fêtez l'anniversaire de votre fille au restaurant d'à côté : il vous envoie un message personnalisé... avec une petite pub ! Facebook décide des contenus qui nous sont présentés en priorité et ceux qui nous sont masqués. Avez-vous remarqué comme vous ne voyez plus apparaître les posts de certaines personnes sur votre fil d'actualité ? Or, cette plateforme est devenue la seule source d'information pour nombre de citoyens. La sélection des contenus a notamment influencé l'arrivée de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis ou la sortie du Royaume-Unis de l'Union Européenne. Rien que ça.
Tirons
le fil de ce qui pourrait être fait avec ces données : Comment
réagiriez-vous demain si votre mutuelle vous proposait un tarif en
fonction des informations analysées sur internet, bien plus fiables
que vos déclarations lors d'un rendez-vous (consommation d'alcool, restauration au fast
food, pratique sportive, statut matrimonial, conditions de
travail...) ? Et si les portes de l'entreprise vous étaient
définitivement fermées parce que vos données révèlent un
licenciement pour faute grave, une difficulté à assurer vos
missions ou la participation à un mouvement de grève ? Si demain, sous couvert d'élections libres, les GAFAM ou leurs clients qui disposent des données personnelles parvenaient à influencer le résultats d'un scrutin en faveur d'un candidat de leur choix ?
Ceci
pose un véritable problème de libertés publiques ; aucune autre
organisation dans l'histoire n'a été en position de contrôler
aussi étroitement nos vies. Qu'on se le dise bien, la CIA, le NKVD
ou tout autre organe de surveillance étatique n'a jamais été autant informé
sur la population que les GAFAM. Leur pouvoir de contrôle dépasse
aujourd'hui tout ce qui avait été imaginé par George Orwell dans
son roman 1984. Que ce pouvoir soit diffus, insidieux,
difficile à déceler et principalement tourné vers le commerce
plutôt que sur le contrôle policier ne veut pas dire qu'il n'est
pas réel pour autant. D'ailleurs, les gouvernements commencent enfin
à prendre la mesure de la menace qui pèse désormais sur l’État
de droit et la démocratie lorsqu'une poignée de multinationales
concentre un tel pouvoir d'influence sur nos comportements (voir le dossier de L'Humanité).
C'est
pourquoi il est urgent de se tourner vers des systèmes
d'exploitation et des logiciels libres qui protègent notre vie
privée et ce faisant, protègent également la République et la
démocratie. Sur PC, les alternatives sont bien présentes et connues
même si elles restent marginales. C'est le cas de tous les systèmes
qui fonctionnent sur Linux, et notamment Ubuntu
qui est certainement le plus facile à installer et à utiliser.
La
suite de ce long article concerne les smartphone et plus
particulièrement une alternative toute récente à l'Android de
Google : le projet /e/. J'ai eu l'occasion de tester ce nouvel
environnement smartphone, en voici mon premier retour d'expérience.
2. /e/, une alternative pour smartphone ?
Je
suis l’utilisateur lambda que Gaël
Duval,
développeur à l’initiative du projet /e/,
cherche
à toucher avec son nouvel environnement smartphone. Je n’ai aucune
connaissance particulière en informatique et j’ai simplement été
poussé à chercher des alternatives à Android tant je suis excédé
par les agissements de Google,
le mépris qu’il témoigne pour la vie privée de ses utilisateurs
et la fermeture de plus en plus nette d’Android autour des ses
applis propriétaires.
J’ai
donc été séduit par la promesse de /e/
d’offrir
un environnement smartphone « dégoogolisé » et simple
d’utilisation.
Au
risque de planter mon téléphone, j’ai donc décidé de jouer au
geek et
de remplacer Android par /e/ ! Sans ménager de suspens inutile, je
peux dire que je ne regrette pas cette bravoure.
1.
l’installation
Première (mauvaise) surprise, le fabricant de mon téléphone semble réticent à laisser aux utilisateurs le choix de leur système d’exploitation. Pour déverrouiller le téléphone, il faut créer un compte sur son site internet, faire une demande de déblocage puis attendre un délai de 3 jours (oui, oui !) avant de pouvoir enfin effacer le système d’origine. Bienvenue dans le monde libre !
Cela
fait, il faut suivre les instructions fournies par la documentation
du site internet de /e/. Le tuto disponible est plutôt
clair,
à condition de maîtriser un minimum d’anglais, mais très
technique. Clairement, l’installation
n’est
pas à la portée de Madame et Monsieur Toutlemonde.
Le
fait d’avoir un PC sur
Ubuntu
m’a bien aidé car le terminal est bien plus performant que la
commande Windows et propose l’installation directe d’adb
et
de fastboot,
deux modules indispensables pour l’installation.
Pour
un utilisateur débrouillard mais non expert comme moi, ce fut
une
procédure longue, difficile et anxiogène. Si l’objectif de /e/
est de séduire un large public bien au-delà de la sphère geek,
il
va de soi qu’il faudra simplifier l’installation si ce n’est
proposer des portables avec /e/ pré-installé.
2.
Prise en main
Une
fois installé, /e/ tient ses promesses. Le système est très simple
d’utilisation, la navigation agréable et offre toutes les
fonctions de base d’un smartphone sur la base
d’applications
libres et respectueuses de la vie privée. Rien que pour cela, /e/ me
satisfait à 90 % et je ne retournerai jamais sur Androïd tant
qu’une telle possibilité vivra.
L’un
des gros avantages est qu’il reste
possible
d’installer n’importe quelle application Android présente dans
le PlayStore de Google. L’utilisateur peut donc faire le choix de
n’utiliser que des applications libres ou bien de retrouver ses
applications Android familières s’il le juge indispensable.
Cependant, toutes les applications ne sont pas référencées dans la
banque proposée par /e/.
Pour
certaines d’entre elles, il faut donc passer par une procédure
assez complexe pour les installer (c’est-à-dire aller chercher le
fichier apk
de
l’application et l’exécuter dans le téléphone).
Peu
gourmand en appli, j’en ai installé seulement deux
supplémentaires : l’appli des transports en commun de ma
ville que j’ai trouvé dans la banque directement disponible sur le
téléphone et celle du journal L’humanité
que
j’ai dû installer manuellement. Toutes deux fonctionnent très
bien.
Un
autre bon point est la synchronisation des fichiers avec le cloud
dont tout utilisateur /e/ dispose. Ainsi, il est possible de déposer
un fichier sur son ordinateur pour le retrouver sur son téléphone
et vise versa.
De même, /e/ permet de synchroniser son agenda et donc de se passer
de l’outil Google.
En
résumé, vous avez les avantages d’Android sans les inconvénients
de google : parfait !
3.
Quelques points à améliorer
/e/
est un système très récent et qui n’est pas encore abouti. Il
est donc normal qu’il y ait quelques faiblesses, mineures selon
moi.
-
quelle application SMS ?
Lorsque vous cliquez pour la première fois sur l’application Message en bas du téléphone, une notification vous annonce que ce n’est pas l’application SMS par défaut... de quoi dérouter, surtout les moins à l’aise des utilisateurs. En effet, 3 applications pré-installées peuvent gérer les SMS : Message, Signal et Télégram. Il vous faut donc en choisir une, ce qui, pour ma part était difficile car je n’avais aucun élément pour les évaluer. C’est une confusion dommageable qui, si j’en crois les forums, sera corrigée rapidement avec la suppression de l’installation par défaut de Signal et Telegram.
Lorsque vous cliquez pour la première fois sur l’application Message en bas du téléphone, une notification vous annonce que ce n’est pas l’application SMS par défaut... de quoi dérouter, surtout les moins à l’aise des utilisateurs. En effet, 3 applications pré-installées peuvent gérer les SMS : Message, Signal et Télégram. Il vous faut donc en choisir une, ce qui, pour ma part était difficile car je n’avais aucun élément pour les évaluer. C’est une confusion dommageable qui, si j’en crois les forums, sera corrigée rapidement avec la suppression de l’installation par défaut de Signal et Telegram.
-
Ais-je vraiment la main sur le téléphone ?
C’est
la deuxième interrogation qui vous vient. En effet, plusieurs
applications non indispensables ne sont pas supprimables comme
Signal, Télégram, Weather ou Bliss Launcher
(sur lequel on reviendra). On comprend qu’il n’est pas
souhaitable de laisser une totale liberté à l’utilisateur :
si le navigateur internet pré-installé est supprimé sans qu’un
autre ait été téléchargé, l’utilisateur peu averti se retrouve
bloqué. Mais un peu plus de souplesse serait selon moi la bienvenue,
surtout de la part d’un système qui souhaite redonner du pouvoir à
l’utilisateur.
-
Le gros point noir : Bliss Launcher
On
se le dit, c’est LE raté du système : l’incorrigible Bliss
Launcher. Sur mon téléphone, il est absolument inutile et
inutilisable ! Cette application censée gérer les widgets que
les utilisateurs aiment avoir sur leur téléphone (heure, météo…
etc.) est source de nombreux problèmes. D’une part, Bliss
Launcher est indéplaçable et ne figure pas sur l’écran
d’accueil. Il faut glisser sur l’écran de gauche pour y avoir
accès, ce qui n’est pas pratique pour consulter les widgets
instantanément (pensez à l’heure). D’autre
part, elle est très peu personnalisable car 3 widgets ne sont pas
supprimables (Recherche, Suggestion d’applications et
Météo) et tous les autres que
vous souhaitez ajoutez sont indéplaçables et se positionnent sous
les trois précédents, ce qui les rends invisibles sur l’écran au
premier coup d’œil. Enfin,
l’application bug quasiment à chaque utilisation et demande à
redémarrer.
Bref,
Bliss Launcher
est
un vrai point noir, je préférerais une gestion plus souple des
widgets comme sur Android où ils peuvent être choisis et disposés
selon la convenance de l’utilisateur.
-
La synchronisation des e-mails
Un autre point pas si grave mais embêtant quand même concerne la synchronisation des e-mails. En effet, /e/ propose un agrégateur de comptes qui permet de consulter toutes ses adresses sur une même application. Jusqu’ici tout va bien. Simplement, la synchronisation ne s’effectue pas automatiquement et l’utilisateur est obligé de relever manuellement ses courriers. Ceci est dommageable car en oubliant d’effectuer la manipulation, on peut passer à côté de mails importants. A corriger rapidement selon moi sous peine de voir les utilisateurs se rediriger vers des applications propriétaires.
Un autre point pas si grave mais embêtant quand même concerne la synchronisation des e-mails. En effet, /e/ propose un agrégateur de comptes qui permet de consulter toutes ses adresses sur une même application. Jusqu’ici tout va bien. Simplement, la synchronisation ne s’effectue pas automatiquement et l’utilisateur est obligé de relever manuellement ses courriers. Ceci est dommageable car en oubliant d’effectuer la manipulation, on peut passer à côté de mails importants. A corriger rapidement selon moi sous peine de voir les utilisateurs se rediriger vers des applications propriétaires.
-
Pour chipoter, quelques autres points plus anecdotiques :
- lorsque l’écran est verrouillé, l’appareil photo a tendance à se lancer très facilement. Une fois sur deux, je retrouve mon téléphone avec l’appareil photo actif… pas top !
- Dans Musique, impossible de faire une sélection multiple de pistes audio pour les mettre dans une playlist. Quand vous avez chargé 300 morceaux, c’est long !
- Lorsque la barre de notification est déployée, impossible d’afficher tous les icônes sans passer par la fonction édition. Peu pratique.